Photosynthesis

Depuis deux décennies, Nicolas Boulard explore la matière vivante du vin, du fromage ou du pain avec une liberté radicale, une érudition pointue des pratiques œnologiques et une audace conceptuelle singulière. Artisan de la transgression, il déplace les codes : vignoble mobile, millésime fantôme, récolte urbaine — chacun de ses gestes, toujours ancré dans une pensée critique, s’inscrit dans une poétique de la fermentation et du vivant.

Installée à l’entrée du parcours d’art des caves Ackerman, Photosyntesis introduit le visiteur à un voyage sensoriel et intellectuel où le vin, l’art et la création s’entrelacent. Trois installations chromatiques y transforment la lumière en matière pour raconter la métamorphose du raisin en vin.

Nuancier – Huiles d’olive
3 cadres de 120 x 180 cm
96 huiles d’olive, 180 tubes en verre, silicone, métal
2020

Le Nuancier est une installation composée de 180 tubes en verre remplis de différentes huiles d’olive du bassin méditerranéen (de l’Afrique du Nord et de l’Europe du Sud jusqu’au Proche-Orient). L’œuvre reconstitue une cartographie chromatique sous la forme d’un nuancier translucide qui ouvre l’exposition du Grand Mezzé au Mucem à Marseille.

L’ensemble des huiles d’olive a été récolté pendant l’année 2020 en Ile-de-France dans les épiceries et commerces alimentaires et auprès de professionnel.les de l’olive (sommeliers et producteurs).

Nuancier d’altitude – Myrtilles
48 bouteilles en verre, vinaigre d’alcool, myrtilles, structure en bois
160 x 110 x 68 cm
2025

Nuancier d’altitude – Hysope
52 bouteilles en verre, vinaigre d’alcool, hysope, structure en bois
160 x 117 x 68 cm
2025

Nuancier – Remède à la mélancolie
156 bouteilles, structure en bois, vinaigre d’alcool et colorants alimentaires
220 x 220 x 70 cm
2024
vue de l’installation au Monastère royal de Brou – Bourg-en-Bresse

Nuancier Finement Boisé
Verre, liège, chêne, Chardonnay
30 x 200 x 8 cm
Nicolas Boulard – 2007

Nuancier

Chardonnay, Pinot Noir, verre, liège
20 x 180 x 15 cm
Nicolas Boulard – 2004
Collection Frac Champagne-Ardenne

Cuves mélancoliques
Inox
110 x 110 x 90 cm
2016

Pain
Série de 10 œuvres uniques
150 x 90 cm
4 couches de contreplaqué de peuplier teintées au brou de noix
2024

Pain I
4 couches de contreplaqué de peuplier
240 cm x 120 cm
2021

Toast III
Bois découpé / Hand cutted wood
92 cm x 121 cm
2021
Collection privée

Tartine
2020
5 couches de contreplaqué de peuplier / 5 layers of handcutted poplar plywood
180 x 118 x 5 cm
Collection privée

Specific Cheeses

Le mot forme et le mot fromage sont issus de la même famille étymologique, tout comme les formes des fromages et les formes récurrentes de l’art minimal (le cercle, le carré, la pyramide) sont similaires. En partant de ce constat, 12 moules à fromage ont été réalisés à partir de dessins de Sol Lewitt : 12 Forms Derived from a Cube (1982).

« La qualité essentielle des formes géométriques vient de ce qu’elles ne sont pas organiques, à la différence de toute autre forme dite artistique. »
Donald Judd, entretien avec Lucy Lippard, 1967

Specific Cheeses – Clon
Impression à encre pigmentaire sur papier
160 cm / 120 cm
1 ex. + 1 ea
Nicolas Boulard – 2024
réalisé en coopération avec la fromagerie de Drom sur une invitation de Campagne Première

Le fromage de Clon est un fromage historique produit du 12ème au 18ème siècle dans la région de la Bresse et dont la recette consiste en une pâte pressée de lait de vache dans lequel a infusé du safran. La recette avait disparu et a été retrouvée au début des années 2000 dans les archives de la ville de Bourg-en-Bresse. Cette série de Specific Cheeses a été réalisé en coopération avec la fromagerie de Drom dans l’Ain.

Specific Cheeses – Boulettes d’Avesnes
Impression à encre pigmentaire sur papier
160 cm / 120 cm
édition 1/1 + 1 e.a
Nicolas Boulard – 2017
réalisé grâce au soutien du LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut et de la Ferme du Pont des Loups à Saint-Aubin dans le cadre de l’exposition de « Pierre Mercier, les règles du jeu »

Specific Cheeses – Bleu de Gobet
Impression à encre pigmentaire sur papier
160 cm / 120 cm
1 ex. + 1 ea
Nicolas Boulard – 2015
réalisé avec le soutien du MAC/VAL et en partenariat avec Éric et Frédérique Ananikian – Ferme de Gobet à Belleydoux

Collection Lab’bel

Fourme
Nicolas Boulard
2019
diam. 180 cm
Feutre pur laine / Pure wool felt
Collection Consorzio / Turin – Italie

Penicillium III
5 couches de feutre en laine naturelle / 5 layers of natural felt
300 x 180 cm
2020

Penicillium I
5 couches de feutre en laine naturelle / 5 layers of natural felt
300 x 180 cm
2019

Specific Slices
Feutre en laine naturelle
4 éléments de 122 x 190 cm
2018

Stilton
2020
Dimensions variables
Papier-peint / impression numérique sur papier
Wallpaper / digital printing on paper

Papier Pain
2020
Dimensions variables / Installation in situ
impression numérique sur papier
édition : 5 ex

La Casetta Rossa
Installation in situ
2023
Masseria Pernice
Sicile, Italie

La Cabane / The Pink Lodge
2024
Installation in situ / Festival Campagne Première
20 juin – 20 juillet 2024
Revonnas – Ain

Monumental
6 m x 20,63 m
Centre d’art contemporain de Châteauvert – Provence Verte
2022

Wakkanai – Japon
2019
Impression numérique sur papier
300 cm x 200 cm

Fresque – Beaujolais 
460 cm x 276 cm
Terre et liant sur mur
installation in situ 
Vue de l’expositon Ce Qui reste au Musée Paul Dini – Villefranche-sur-Saône 2025

CuSo4 & Fleur de Soufre
Diptyque
Sulfate de cuivre sur panneau de bois et fleur de soufre sur panneau de bois / Copper sulfate and on wood panel
Dia. 120 cm chaque élément
2025

Gruyère
Ø 120 cm
terre et liant acrylique sur panneau de bois
2017

Fresque – Grands Crus Classés 1855 – Rouges
Terre, liant acrylique
installation in situ
8 m x 5 m
Frac Aquitaine – Bordeaux
2016

Clos Mobile
Remorque, vignes (Chardonnay)
150 x 350 x 80 cm

2009

Clos du Frac
Frac Alsace – Sélestat
Vignes
2010 – 2020
1000 m2

Le Clos du Frac est une parcelle viticole installée sur le site du jardin du Frac Alsace. Ce jardin s’inspire de la tradition viticole alsacienne et du puissant trait de caractère économique que représentent le vin et la vigne en Alsace. Le Clos du Frac tend à reproduire en Alsace une parcelle viticole de la région bordelaise, et en particulier de Mouton Rothschild à Pauillac. Par l’utilisation des cépages Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, Petit Verdot et Merlot, Nicolas Boulard a reproduit le modèle type du vignoble de Bordeaux. Le geste de déplacer un vignoble bordelais en Alsace n’est pas dénué de sens, puisque toute l’histoire du vin est une histoire de déplacements et de voyages de cépages. Planté en 2010 alors que le climat commençait à présenter des signes de changement, le Clos du Frac proposait (par l’absurde) d’anticiper les dérèglements climatiques en plantant des cépages plus adaptés au climat sec.

Le Clos du Frac a donné la possibilité de produire 10 vins différents pour lesquels des méthodes de vinification particulières ont été adapté en partenariat avec des vinificateurs locaux. Les étiquettes ont été créées par des artistes et graphistes contemporain.e.s.

 

Giverny
Terre de Giverny, encadrement
117,5 x 82 cm
2024

Mer du Japon
Wakkanai – Hokkaido – Japon
Eau de mer – encadrement – cartel
97,5 cm x 82,5 cm x 4cm
2019 – 2023

Erased de Villaine Wine
2008
Verre, vin « Bouzeron domaine Aubert de Villaine millésime 2006 », encadrement
Glass, « Bouzeron wine domaine Aubert de Villaine, 2006 vintage », frame
64 x 55 cm
Collection privée, Suisse

DRC 1946
Sérigraphie sur papier, verre, liège, cire, eau colorée
2007
1 palette de 100 magnums + 12 Magnums uniques
120cm / 80cm / 60cm

Le domaine de la Romanée-Conti (DRC) est l’un des plus prestigieux producteurs de vin en Bourgogne; c’est également l’un des plus chers au monde.
 En 1945, en raison d’une épidémie de phylloxéra, les vignes du domaine sont arrachées pour n’être replantées avec des pieds sains qu’en 1947: il n’y eut donc pas de cuvée en 1946. Avec DRC 1946, Nicolas Boulard, tel un expert faussaire, propose en 2007 un faux millésime (avec de l’eau et du colorant) que le domaine de la Romanée-Conti n’a jamais pu produire, semant le doute parmi les amateurs de ce grand vin.

Grand vin de Reims
Coffret en bois
2 demi-bouteilles en verre – cire – liège
Une carte de la ville de Reims
2006
édition de 50 exemplaires numérotés et signés pour l’association des amis du Frac Champagne-Ardenne – Reims

Le Grand Vin de Reims est le fruit de vendanges sur la totalité des « parcelles » de la ville de Reims : grandes surfaces, épiceries diverses, voire même les vignes décoratives des ronds-points. Sur 58 parcelles, à raison d’une récolte de 2 kg par parcelle, 116 kg de raisin ont été obtenus, ce qui a permis la production d’une centaine de demi-bouteilles d’un vin fabriqué à partir de raisin frais. La carte accompagnant le multiple permet de localiser chacune de ces parcelles alternatives et tout autant inédites. 2 bouteilles de vin dans un coffret en bois ; carte (impression numérique)

H2O
2005
Verre, eau, sucre, activateurs de fermentation, levures chimiques, liège, lettres autocollantes
Dimensions variables (3 caisses de 6 demi-bouteilles)

Comme un pied de nez à l’industrialisation du vin, H2O utilise des procédés chimiques de l’industrie œnologique appliqués à de l’eau (eau, sucre, levures chimiques et activateurs de fermentation). Cette eau est alcoolisée à 11% / vol.

Bibliothèque
Béton, livre « Je déballe ma bibliothèque. Une pratique de la collection» Walter Benjamin
2019
Édition : 5 ex + 1AP
16 x 21,5 x 9 cm

Wannehain

Le parcours Wannehain est le résultat d’une rencontre, sans but précis, entre Nicolas Boulard et Olivier Bobichon. Le point de cette rencontre était le centre de la ligne séparant ces deux personnes, la première vivant alors Coventry (Grande-Bretagne), la seconde à Strasbourg. Ce lieu se trouvait sur le territoire de la commune de Wannehain (Nord-Pas-de-Calais). Le maire ayant été averti, il organisa une réception en vue de s’entretenir avec les protagonistes de cette rencontre pour leur demander de matérialiser cet événement et revaloriser ainsi son village situé entre Lille, Tournai et Villeneuve-d’Ascq, à la frontière belge.

A la suite de cette rencontre improbable, une installation permanente composée de tables et de chaises en béton parsemées sur l’ensemble du territoire a été réalisée en coopération avec des habitants du village. Ces sculptures invitent les promeneurs à suivre la ponctuation de ces tables sur lesquelles différents textes font référence à l’histoire locale (réelle ou fictive).

Ce projet a été réalisé en 2000 dans le cadre d’un atelier de recherche et de création à l’école supérieure des arts décoratifs de Strasbourg.

Une cuisine spécifique

Mouche drosophile, pommes en suspension, bouteille retournée sur le coin d’une table, jeux de discorde, machines célibataires qui n’ont l’air de rien, fausses cuvées, vraies cuvées, plantations, brouettes, monceaux de terre, remorques de fortune reconverties en centres d’art, bulles de savon ou de vin, découpes de ciel et de nuages, trajets au long cours, chocs et réparations… On pourrait poursuivre la liste, car il suffit de se promener dans le travail de Nicolas Boulard pour que les évidences poétiques fassent événement, à condition d’accepter de se laisser séduire par une forme de transgression des règles et des appellations, un renversement de tout ce qui est engoncé dans un système de normes que l’on ne questionne plus. Ainsi, le travail le plus marquant dans cette remise en question de l’héritage est réalisé à partir des pratiques viticoles que l’artiste connaît bien, étant lui-même fils de vignerons producteurs de Champagne. Il y va d’une révolte sophistiquée, d’une diversion face aux données initiales, a priori incontestables. L’artiste se fait faussaire, en 2007, avec des magnums de Romanée-Conti, cuvée 1946, millésime du vin si prestigieux qui n’a jamais existé, présenté en une pyramide de bouteilles. Mais, le rapport au vin est aussi un embrayeur d’écriture, par exemple dans le Journal de la route des vins d’Alsace (2004), où il s’agit de partir à la recherche des grands crus alsaciens tout en consignant les impressions du voyage, jalonné par une critique des dérives consuméristes, une distance ironique sur les savoir-faire, et le désir persistant d’une réinvention des goûts. Plus récemment, avec les Cuves mélancoliques (2016), le vin côtoie l’histoire de l’art : trois cuves en inox, polyèdres miroitants et rutilants, apparaissent dans l’espace de manière énigmatique jusqu’à ce que l’on en saisisse la référence à la gravure Melancolia de Dürer.
Quelque chose est crypté, et l’on en vient à se demander si le vin est triste. C’est aussi comme cela que nous pouvons passer du vin au fromage. Qu’est-ce que Specific Cheeses ? Une entreprise qui tient aussi bien de l’humour, de l’absurde existentiel, que de la posture disqualifiante. En un mot : le fromage sert à déranger la ligne, à déclasser les savoirs. Qu’elle prenne la forme de performances collectives ritualisées (où les confrères sont invités à une procession, munis de la dernière fournée de fromages inspirée de la géométrie de Sol LeWitt), ou de la parution de Fanzines (pour lesquels l’artiste demande aux contributeurs des indices de la présence fromagère dans tous les champs de la création humaine), la nébuleuse crémeuse et affinée devient alors l’agencement subversif et érotiques d’une forme informe. Dans le N°10 de Specific Cheeses, Picasso se retrouve à côté de Roland Barthes, Ed Ruscha à côté des compères Picabia et Duchamp, pendant que Pierrot le Fou se taille une tranche d’emmental recouverte de tapenade. Il y va, ici, d’une forme de non-savoir prenant néanmoins la forme d’une encyclopédie impossible, machinerie infinie aux rouages multiples. La cuisine de l’artiste est décidément « spécifique », comme celle de Donald Judd et du Minimalisme, au sens de révélante, prenant en considération un contexte pluriel.
Derrière toutes les œuvres de Nicolas Boulard, une inquiétude persiste, comme une alerte ironique, un pas de côté pointant du doigt là où ça fait mal. C’est en cela que son positionnement est une écologie, manière d’ouvrir la géographie en adoptant une éthique subjective. Il s’agit d’arpenter des territoires, de décloisonner les pratiques et les gestes. Dans le livre Rhône (2017), on peut lire, comme un manifeste : « De l’art minimal brut tel que le définissait Erik Dietman. Des matériaux bruts, prélevés sur les lieux. Faire de l’art avec sa tête, avec ses pieds. Être. Le sens du lieu. Le là. Déplacer le lieu, être mobile et aller sur le terrain. Y aller ».
Léa Bismuth

Portrait de l’artiste Nicolas Boulard – Photographie : Gilles Berquet